Théodore Hustin, propriétaire du moulin de Belmont, avait transformé sa maison en ambulance, en vue d’y recevoir les blessés. Louis THOMAS, 27 ans, son plus proche voisin, lui avait apporté des matelas et des couvertures.
Vers midi, Joseph PAILLOT-BRUON, 64 ans, chargea sur une charrette un soldat français, qu’il avait trouvé blessé en haut de la rue Bohet, et le conduisit à l’ambulance du moulin.
Eugène HERMAN-BERGEM, qui habitait le point d’arrêt de Belmont, apprenant qu’un blessé français a été conduit chez Hustin, s’y rend aussitôt avec Félicien BRESSARD, 19 ans, qu’il rencontre. Le frère de ce dernier, Francis Bressard, se joint à eux, de sorte qu’ils se trouvent à cinq au moulin. Craignant sans doute de voir tant d’hommes à l’ambulance, Hustin les prie de rentrer chez eux, ce qu’ils s’empressèrent de faire, à l’exception de Francis Bressard qui s’obstine à rester.
A peine sortis de l’ambulance, les quatre hommes sont arrêtés par des soldats allemands et, sans autre forme de procès, fusillés tout près de la route.
Les corps n’ont été retrouvés que le mardi matin. Louis Thomas avait eu le ventre ouvert par un coup de baïonnette et les entrailles en sortaient.
Les soldats qui venaient d’assassiner lâchement ces quatre civils appartenaient au 46ème régiment d’infanterie allemand qui avait débouché des bois par la route du Chenois et, après avoir traversé tout Belmont, descendaient par la rue Bohet dans la vallée pour remonter sur l’autre versant à travers le bois des Loges et prendre ainsi les Français à revers.
Ils sillonnent leur marche en avant par des incendies que ne justifie aucun but stratégique. C’est ainsi que, rue Bohet, ils mettent le feu à la maison de J.-B. THOMAS-TILLIÈRE, 60 ans. Celui-ci pour sauver son bétail s’en va ouvrir la porte de l’écurie qui flambait déjà. Il est abattu d’un coup de feu. Sa femme, Marie THOMAS-TILLIÈRE, 59 ans, fut trouvée morte dans le jardin derrière la maison. Une balle l’avait atteinte dans sa fuite.
Leur voisin, Alphonse KARIGER-BONNEAU, 63 ans, fut atteint par une balle lui aussi, en voulant se sauver de sa maison en flammes. Transporté d’abord à l’ambulance du moulin, puis à celle de l’école communale, il y mourut quelques jours après du tétanos.
Ce fut toujours dans les mêmes circonstances que fut tué un peu plus haut Joseph PEIGNOIS-FOUQUET, 79 ans. On retrouva son cadavre derrière sa maison incendiée.
Elisabeth PAILLOT, 20 ans, inquiète de ne pas voir revenir son père qui avait conduit un Français blessé à l’ambulance du moulin, voulut, au mépris du danger, aller à sa recherche. Elle fut frappée mortellement au milieu de la rue Bohet.
Vers 14 heures, un groupe de soldats français prisonniers est fusillé en face de la ferme Allard. Vers 4 heures de l’après-midi un deuxième groupe de soldats français est fusillé près de l’abreuvoir de la rue Bohet, Les cadavres de ces derniers allèrent grossir le nombre de ceux de la ferme Allard. 64 soldats français furent tués.
Le voisin de Félix Allard, Joseph LACAVE-CAPON, 49 ans, avait par trois fois refusé l’entrée de sa maison aux Allemands. Ceux-ci exaspérés, enfoncent la porte et forcent Lacave à donner à boire à leurs chevaux. Pendant cette besogne, il est tué d’un coup de revolver dans le dos.
Sa femme, Léonie CAPON, 47 ans, voyant tomber son mari veut se sauver avec sa tante Catherine DUMONT, 70 ans, veuve Gérard. Toutes deux sont atteintes mortellement par des balles allemandes.
Un peu plus loin Joseph MOUSTY-REZER, 39 ans, était allé à la recherche de Lucien HERMAN, 23 ans. Tous deux durent quitter la maison où ils se tenaient, parce qu’elle prenait feu. A peine les soldats les aperçurent-ils, qu’ils tirèrent sur eux et les tuèrent. Le corps de Joseph Mousty fut retrouvé presque entièrement brûlé.
François Duhameau, Edouard Peignois, François Pétrement et d’autres encore, ont entendu un officier allemand à cheval, qui se trouvait devant la maison de Pétrement-Peignois le samedi après-midi, donner l’ordre de mettre tout à feu et à sang.
« Alles Feuer, Caput! »
Un blessé français, couché devant la maison de Hyacinthe Huguet, assistait à la scène et avait entendu l’arrêt de mort. Il rassemble ses forces, prend son fusil, épaule et, à peine l’officier a-t-il jeté l’ordre, qu’une balle bien dirigée l’atteint en plein cœur.
Les soldats allemands, témoins du fait, fous de rage, se jetèrent sur le blessé français qu’ils achevèrent.
Henri SCHOEFFER-NICLOT, 64 ans, habitait un coin de la Grand-Place de Belmont. Les Allemands l’arrachèrent de sa demeure et le fusillèrent sur le seuil. Son corps fut ensuite carbonisé par les débris enflammés de sa maison qui tombèrent sur lui.
La veuve Bandin, Elisabeth HENRY, 81 ans, avait trouvé asile chez son beau-frère Pierre Rossignol-Bandin. Lorsque ce quartier prit feu, tout le monde s’empressa de fuir. Vu son grand âge et ses infirmités, la veuve Henry resta dans la cave et y mourut asphyxiée.
Sur cette même place de Belmont fut encore tué Hubert HUSTIN-DENIS, 43 ans. Il se trouvait chez lui, route du Chenois, lorsque des soldats, porteurs de deux fagots, l’appréhendèrent à son domicile et l’amenèrent sur la place de Belmont.
Arrivé en face de la maison Paillot-Liégeois dont la porte était ouverte, le malheureux prisonnier a sans doute essayé de se sauver, car il est tombé sur le seuil, atteint de plusieurs balles dans le dos.
Au bruit de la fusillade, la famille Paillot-Liégeois remonte de la cave où elle se tenait cachée, et à la vue des deux fagots jetés devant la maison, craignant que celle-ci ne fût incendiée, elle s’enfuit dans la direction des bois. Bien lui en prit, car quelques minutes après la maison brûlait.
En descendant la Ville Haute, vers la route du Chenois, la dernière maison incendiée à gauche est celle où habitait Félicien ARBALESTRIER-LAMINE, 79 ans. Quand il vit le feu gagner l’immeuble, il voulut y rentrer pour sauver quelques objets, mais une balle en plein cœur le foudroya et il tomba dans les bras de son gendre qui, lui, avait été protégé par un recoin du mur.
Hyacinthe HUGUET-PEIGNOIS, 44 ans, s’était caché avec sa femme et son fils dans la cave. Quand il vit que le feu avait été mis à sa maison, il fut bien obligé de quitter son abri avec les siens et de chercher dans la fuite son salut.
Il crut bien faire de passer par le jardin qui donne sur la grand-route de Virton (Ville Basse). Là il fut mis en joue par un soldat allemand qui lui envoya une balle en pleine poitrine. Sa femme et son fils transportèrent le cadavre chez Jules Ledent. C’est à cette circonstance que cette maison doit de n’avoir pas été incendiée.
Il y eut encore à Belmont trois autres victimes. Marie-Jeanne CAPON, 70 ans, épouse de François Fizaine, fut tuée sur le seuil de sa porte.
La veuve Gilles, Marie SIMON, 42 ans, fut atteinte mortellement d’une balle au moment où, profitant d’une accalmie apparente, elle sortait pour fermer ses persiennes. Elle laisse trois jeunes orphelines.
Jean-Baptiste CAPON-CAPON, 76 ans, fut retrouvé mort devant sa maison. Une balle l’avait atteint, mais, faute de témoins, on ne sait dans quelles circonstances.
Ces 23 premières victimes sont toutes tombées sur la section de Belmont. A part quelques maisons de la Ville Basse, épargnées le samedi et qui devinrent la proie des flammes le lendemain, les 86 maisons incendiées de Belmont le furent le jour même de la bataille, c’est-à-dire le 22 août 1914, mais sans qu’aucun motif militaire ou qu’aucune nécessité stratégique puisse justifier cette infraction au droit des gens.