Le début de la journée
Le dimanche 23 août, de grand matin, sous la conduite du bourgmestre, des hommes de bonne volonté aidèrent les brancardiers français à relever leurs blessés et à transporter les uns, une centaine environ, à la gare, où le docteur Besnard, médecin aide-major du 104ème, organisa l’ambulance, les autres, les plus nombreux, au-delà de trois cents, à l’école communale, où ils furent soignés par le docteur Joyeux, médecin-major du 104ème, aidé d’une quarantaine d’infirmiers et de brancardiers. Quelques blessés allemands furent également l’objet de leurs soins.
Ayant appris que des soldats français se tenaient cachés dans les caves de la brasserie et chez Gérard Hustin, le bourgmestre les pria de s’en aller au plus vite, alors qu’il en était temps encore, pour ne pas attirer de nouvelles représailles de la part de l’ennemi, quand celui-ci redescendrait dans le village, ce qui ne pouvait tarder. Les Français, au nombre d’une centaine environ, se rendirent aux raisons du maïeur, et prirent la direction de Gomery
Laurence CAPON, 43 ans, épouse de Camille Paillot, qui habitait rue Grande, près de l’église, entendant les soldats entrer dans sa maison, se précipita à l’entrée de la cave, une bouteille de vin à la main, espérant ainsi apaiser leur fureur. Une balle tirée à bout portant la renversa morte aux pieds de son mari, de son fils de 6 ans et de sa mère. Son cadavre fut complètement consumé dans l’incendie de la maison. Son mari, fait prisonnier, fut fusillé quelques heures plus lard au pré Flamion.
Les Allemands dévalèrent comme des forcenés par la rue du Château-Cugnon, tirant de tous côtés et incendiant les maisons. Quand celle de Joseph BALON-LAURENT, 68 ans, prit feu, ce fut un sauve-qui-peut général. Joseph Balon fut probablement blessé dans la fuite, car le jeudi suivant son fils le retrouva mort, baigné dans son sang, dans la cave de la veuve Servais-Rossignol, où il se sera réfugié après avoir reçu sa blessure.
Dans la même rue, treize personnes s’étaient cachées dans la cave de la maison Pétrement-Servais et y avaient passé toute la journée du samedi et la nuit suivante.
Lorsque, le vendredi, on parvint à déblayer un peu les décombres de la maison, on retrouva dans la cave dix cadavres, la plupart carbonisés.
Un peu plus loin, dans la rue Grande, se passa une scène analogue. Julien Servais était allé le samedi matin du côté de la gare. C’est là qu’il fut surpris par les Allemands, fait prisonnier, et fusillé le dimanche, dans le « Fond de Jevé ».
Sa femme, Louise Saintmard, se trouvait donc seule chez elle avec ses trois petits enfants, dont l’aînée avait 6 ans. Ne se croyant pas en sécurité dans sa propremaison, elle se réfugia chez le garde-champêtre, Pierre Warin, où elle mit au monde un nouveau-né.
Lorsque la maison prit feu, le lundi, Pierre Warin et les siens se sauvèrent, mais la femme Servais, vu sa situation, incapable de fuir, demeura dans la cave avec ses enfants.
C’est là que le mercredi, en rentrant dans les ruines de sa maison incendiée, Pierre Warin retrouva Louise SAINTMARD, 27 ans, asphyxiée, ainsi que ses quatre enfants, Anna SERVAIS, 6 ans, Madeleine SERVAIS, 4 ans, Léon SERVAIS, 3 ans, et le petit SERVAIS, qui venait de naître. Cette famille a donc complètement disparu dans la tourmente.
La petite Simone PEIGNOIS, 5 ans, fut tuée, le samedi soir, par un éclat d’obus, dans les bras d’Ernest Massart, fusillé dans la suite, au moment où celui-ci la portait chez son oncle Léon Peignois-Collin, (à côté du presbytère) croyant l’y mettre plus en sûreté. Le cadavre de l’enfant déposé dans la maison de l’oncle, y fut consumé par les flammes.
Au tournant de la rue de la Station, on retrouva, le mercredi suivant, le cadavre de la veuve Liégeois, Octavie FAGNY, 64 ans, dans son jardin. La pauvre femme avait les yeux bandés et les mains étroitement liées derrière le dos. On n’a jamais pu éclaircir ce mystère.
Les massacres collectifs
Les docteurs Chon et Levesque du 14ème hussards ont passé la nuit au nord d’Ethe avec quelques-uns de leurs blessés, mais furent empêchés, par leurs gardiens, de leur porter secours.
Le dimanche matin, ils doivent abandonner leurs compagnons d’infortune à leur pénible sort et sont conduits dans la direction de Saint-Léger. A l’extrémité du village d’Ethe ils rencontrent de nombreuses troupes allemandes encadrant environ 150 prisonniers français, devant lesquels un peloton d’exécution a été formé.
Un général a déclaré : « Bis zum letzten niedermachen ».
« Ils doivent être abattus jusqu’au dernier ». Les deux médecins sont poussés parmi les condamnés à mort, lorsque le docteur Chon, apercevant un officier d’état-major, l’interpelle en allemand.
Celui-ci finit par retirer du groupe des prisonniers les deux docteurs et, les yeux bandés, on les conduit à Virton, où pendant des mois ils prodiguèrent leurs soins aux blessés français et allemands.
Qu’advint-il des 150 prisonniers placés devant le peloton d’exécution ? Nul ne saurait le dire.
Les Allemands avancèrent dans le village d’Ethe par la rue de la Station et la rue Grande et entraînèrent avec eux tous les Français blessés, les brancardiers et les civils qu’ils rencontrèrent. S’en suivit une série d’exécutions sommaires tout au long de la route de Gomery et plus à l’écart, au fond de Jevé.
- La fusillade du presbytère relatée dans les témoignages par Louis Authelet-Claisse.
- La fusillade du pré Flamion relatée par le bourgmestre Christophe Baulard.
- La fusillade du pré Liégeois de laquelle aucun des hommes qui s’étaient réfugiés dans la cave de la chicorée Capon n’en réchappa.
Il y avait là :
- Théophile AUTHELET, 28 ans
- Edouard CAPON-FlDRY, 79 ans
- Joseph CAPON-LAMINE, 76 ans
- Pierre CAPON-WARIN, 53 ans
- Henri CAPON-BUCHE, 33 ans
- Alphonse CLAISSE, 47 ans
- Eugène CLAUDE-CAPON, 44 ans;
- Joseph GAVROY-CAPON, 69 ans
- Hubert GERARD-HUSTIN, 32 ans
- Numa HUSTIN, 41 ans;
- Alphonse HUSTIN-CAPON, 38 ans
- Joseph LIEGEOIS-PETREMENT, 46 ans
- Joseph PEIGNOIS-JACQUET, 29 ans
- Léon SERVAIS-TlLLIERE, 38 ans
- Joseph TILLIERE-CLAISSE, 55 ans