Les premières apparitions de soldats

Conformément aux instructions reçues, le bourgmestre, M. Christophe Baulard, fit déposer toutes les armes à la maison communale, et la plupart furent transportées à Virton avant l’arrivée des Allemands.

Afin de pourvoir à toute éventualité, dès les premiers jours de la guerre (4 août), une ambulance avait été établie dans la maison du docteur Dordu à Belmont.
Plusieurs brancardiers volontaires s’étaient fait inscrire à la maison communale et une collecte à domicile avait permis de se procurer les choses les plus indispensables pour les soins à donner aux blessés.

Le docteur Dordu
Le docteur Dordu

La garde-civique qui gardait les abords de la commune, avait uniquement pour mission de veiller à la sécurité des personnes et des biens contre les pillards que les circonstances auraient pu favoriser. Elle devait même se retirer à l’approche des armées belligérantes pour ne pas entrer en conflit avec elles.

Premières patrouilles

La première patrouille fit son apparition à Ethe le 6 août (chute de Liège). C’étaient des dragons français se dirigeant vers Arlon. Ils ne firent que passer.

Le soir de ce même jour, un ordre émanant de l’autorité militaire belge parvint au bourgmestre prescrivant la destruction de la voie ferrée.
Les hommes du village se mirent aussitôt à l’oeuvre : les aiguillages furent faussés, les rails enlevés et les billes arrosées de pétrole et brûlées.

Le lendemain, 7 août, on apprit la présence d’une vingtaine de uhlans dans le bois de Bampont. Quelques-uns d’entre eux traversèrent le soir le village et constatèrent les dégâts faits à la voie ferrée.

Un Uhlan
Un Uhlan

Les jours suivants, on vit passer tantôt des patrouilles françaises, tantôt des éclaireurs allemands, mais aucune rencontre n’eut lieu sur le territoire de la commune.

Cependant, le 12 août, au soir, les Français s’étaient installés dans le village et avaient établi des barricades aux deux extrémités de la rue Perdue et à l’entrée de la ruelle Clesse.

La rue perdue
La rue perdue

Or, voilà que le lendemain, de grand matin, des uhlans venant de Saint-Léger débouchèrent par la rue de la Station. Les sentinelles françaises cachées tirèrent sur eux.
Il y eut deux uhlans et un cheval blessés. Aussitôt la patrouille ennemie rebroussa chemin, emportant un des deux blessés; l’autre tomba de cheval un peu au delà de la station.
Des civils s’empressèrent de le relever et le transportèrent au château de Laclaireau, où il reçut les soins que réclamait son état. Il s’appelait Fritz Hartmannet appartenait au 6ème chasseurs.

Le château de Laclaireau
Le château de Laclaireau

Quelques heures après, l’Etat-Major allemand cantonné à Arlon était avisé de la présence de francs-tireurs à Ethe qui avaient fait le coup de feu sur une patrouille.

Les premières exactions

Ce même 13 août, le domestique du boulanger Joseph Duhameau transportait du pain à Gomery, lorsqu’il fut arrêté dans le Jeune Bois par des Allemands qui déchargèrent sa voiture. Le lendemain, ces mêmes Allemands sont encore venus réquisitionner 40 pains, qu’on a dû leur apporter sans être payé.

Un habitant d’Ethe, Louis Kunge-Peignois (56 ans), qui se trouvait à Gomery, y fut tué ce jeudi 13 août par des Allemands.

Le 17 août (repli sur Anvers), une nouvelle patrouille allemande, venant cette fois de la direction d’Etalle, exigea de l’avoine et du beurre. Le bourgmestre s’était mis en demeure de tout préparer, lorsque la patrouille s’en retourna sans rien emporter.

Les jours qui suivirent, rien d’anormal ne vint troubler la tranquillité relative du village.

La journée du 21 août (les IIIème et IVème armées françaises pénètrent en Belgique) fut plus mouvementée. Dès le matin, de nombreuses colonnes d’infanterie allemande traversèrent le village, se rendant dans la direction de Virton et de Ruette. Ces troupes appartenaient au IIIème bataillon du 123ème régiment wurtembergeois.

En passant, elles forcèrent un jeune homme de 18 ans, Eloi Pierre, à les accompagner pour leur indiquer le chemin, et donnèrent l’ordre aux trois boulangers d’Ethe de leur fournir dans le courant de la journée 300 kilos de pain. On se mit à l’œuvre, mais le travail n’était pas terminé quand les troupes revinrent dans l’après-midi, plus tôt qu’elles ne l’avaient escompté.

Elles avaient, en effet, été refoulées de Virton, où les Français venaient de faire leur entrée.

Les 200 pains environ qui avaient été cuits furent chargés sur deux voitures, l’une conduite par le boulanger, Joseph Duhameau lui-même, l’autre par Edmond Servais, domestique du boulanger Peignois.
Les deux véhicules durent prendre la direction de Saint-Léger, au milieu des colonnes allemandes qui s’empressaient de refaire en sens inverse le chemin parcouru le matin.

Jean-Baptiste Schléder, camionneur à la brasserie Capon, fut réquisitionné avec son camion et deux chevaux pour conduire le cadavre d’un Allemand tué à Châtillon. Emile Laurent l’a accompagné, conduisant un soldat allemand blessé, qui se trouvait à l’ambulance Dordu. Tous les deux furent bloqués le lendemain à Saint-Léger lorsque la bataille éclata. Ils furent, après le combat, réquisitionnés pour le service des blessés.

A la tombée du jour, le village évacué par les troupes, fut replongé dans un grand silence, et tous les habitants s’endormirent sans se douter du terrible réveil qui les attendait.