N°844

Déposition faite par M. Bosseler.

Vers 13 heures, le poste est visité une première fois par l’ennemi. L’officier qui commande la patrouille, après avoir interrogé les blessés allemands, laisse les deux majors à l’ambulance, mais prend avec lui le reste du personnel.

Un peu plus tard, nouvelle alerte. Cette fois il faut évacuer la maison, car l’ordre a été donné d’incendier tout le village.

Les blessés sont transportés dans la rue. Les Allemands emmènent les leurs et autorisent les deux docteurs à placer sur des civières les Français les plus gravement atteints; les autres blessés et les docteurs eux-mêmes porteront les brancards. La triste caravane traverse ainsi la rue principale de Belmont dont toutes les maisons brûlent.

A la sortie du village, dans la direction de Virton, un spectacle horrible se présente à leurs yeux : une cinquantaine de soldats français qu’on a fusillés, gisent sur le côté de la route. Ce sont ceux qu’a vu exécuter Félix Allard.

Le docteur Chon reconnaît parmi les victimes ses infirmiers, porteurs du brassard de la Croix-Rouge! A ce moment, un sous-officier achevait à coups de revolver ceux qui remuaient.

S’adressant au docteur, il demande de lui désigner les hommes qui vivent encore au milieu de l’amoncellement de cadavres. Indigné, le docteur refuse, lorsqu’arrive fort heureusement l’officier qui avait fait évacuer l’ambulance.

Celui-ci plus humain, promet la vie sauve aux survivants de cette hécatombe. Alors le docteur s’approche des victimes et invite ceux qui en sont capables de se relever.

Quelques-uns, à cet appel, se dégagent péniblement du monceau de cadavres. D’autres, blessés aux jambes, doivent être laissés sur place, faute de moyens de transport.

Le groupe des deux docteurs et des blessés, se remet en route sous bonne garde, mais il se heurte bientôt à une ligne de tranchées, où il doit s’arrêter pour subir un triage. Les moins blessés sont entraînés à l’arrière dans les lignes allemandes, pendant que les médecins stationnent avec les cinq ou six plus gravement blessés, sans cependant pouvoir leur prodiguer aucun soin.