N°848

Déposition faite par Joseph Besseling.

Habitant en face de la gare, j’avais passé la journée du samedi dans la cave d’un voisin, Joseph Antoine. Le soir, après avoir hésité à me rendre avec la famille Bosseler à Laclaireau, je crus plus prudent de ne pas me confier aux Allemands, et j’allai me cacher dans un aqueduc d’où je sortis le lendemain matin.

Mais, pris de peur à la vue du grand nombre de soldats que j’aperçus, je tâchai de m’enfouir dans une remise à charbon. J’y fus découvert et conduit en présence d’un officier qui daigna me rendre la liberté.

Je me disposais à descendre vers le centre du village, lorsque je rencontrai, en face de la ruelle Clesse, toute la famille Léger qui fuyait devant l’incendie. Ces braves gens me racontent que les Allemands ne se contentent pas de brûler, mais qu’ils tuent également les hommes.

Dans ces conditions, nous nous croyons mieux avisés en ne nous aventurant pas plus loin et nous nous cachons dans des buissons qui bordent le talus du chemin de fer. Nous ne pouvons y rester longtemps, car les cris du petit Léger, âgé de 6 mois seulement, rendent notre sécurité douteuse.

Nous décidons, en conséquence, d’aller nous réfugier dans les caves de la maison Léger. Mais, en quittant notre cachette, nous sommes aperçus par des soldats allemands qui tirent sur nous. Voyant tous les autres tomber à terre, je me couche comme eux.

Après quelque temps, ne voyant plus d’Allemands, je dis à mes compagnons : « ils sont partis, sauvons-nous!  » Mais personne ne bouge et je me rends vite compte que je me trouve en face de cadavres. Il y avait là Marie SOSSON, 55 ans, épouse Léger, avec ses trois enfants, Paul LEGER, 22 ans, Jeanne LEGER, 15 ans, André LEGER, 33 ans, et sa femme, Hermance LAMBINET, 30 ans.

Leur bébé, qui gisait par terre, n’était heureusement pas mort, mais avait perdu connaissance. On put le relever plus tard.

Devant ce spectacle, l’horreur me saisit, et je me sauve vers Belmont. Je suis encore une fois aperçu par des Allemands passant sur la voie ferrée et qui tirent sur moi.

Je me laisse tomber et je simule le mort. Après être resté dans cette pénible position pendant des heures, je me relève enfin et je regagne l’aqueduc, où j’avais passé la nuit précédente. Je m’y tiens blotti jusqu’au soir.